La Négociation Annuelle Obligatoire

Publié le par Jérôme Bry

Le code du travail dispose que dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales, l’employeur est tenu d’engager chaque année une négociation portant notamment sur :

 

- les salaires

- la durée du travail

- l’organisation du temps de travail

- l’épargne salariale

- l’égalité professionnelle hommes/femmes

 

Par ailleurs, tous les trois ans, une négociation doit être engagée sur les questions relatives au maintien dans l’emploi des travailleurs âgés, et à leur accès à la formation professionnelle.

 

Cette négociation annuelle est obligatoire et implique une obligation de moyens. De façon très concrète, l’employeur ne doit pas se contenter de convoquer les organisations syndicales, il doit faire des propositions pour chacun des thèmes de la NAO.

 

 

A - Le cadre de la NAO

 

Selon les termes de la loi, la NAO doit avoir lieu au niveau de l’entreprise, mais peut, dans les entreprises comportant des établissements distincts, avoir lieu au niveau de chaque établissement (cf. article L 132-27 du Code du travail).

 

Il est à noter que la faculté de décentralisation de la NAO par l’employeur est très encadrée. En effet, cette décentralisation à un niveau " infra-établissement ", n’est possible que si aucune organisation syndicale ne si oppose, et devra alors s’appliquer à tous les établissements.

 

A noter dès à présent, mais nous y reviendrons plus loin, que du niveau auquel se déroule la NAO découle la représentativité syndicale à prendre en compte concernant l’exercice du droit d’opposition.

 

B - La périodicité de la NAO

 

La loi dispose que l’employeur doit engager des négociations tous les ans. Mais ni le législateur, ni la jurisprudence ne précise s’il faut apprécier ce délai de 12 mois au regard du début, ou de la fin des précédentes négociations.

 

Aussi, il convient de se rallier à la position d’une partie de la Doctrine qui considère que s’agissant d’une négociation longue, il faut faire courir le délai de 12 mois à partir de la fin des négociations (signature de l’accord ou PV de carence).

 

 

C - Les thèmes de la NAO

 

Le nombre de thèmes faisant l’objet de la NAO sont aujourd’hui multiples. Selon l’Administration, ils peuvent être traités conjointement ou séparément, mais doivent dans tous les cas être traités.

 

La négociation sur les salaires effectifs

 

Par salaire effectif, on entend les salaires bruts, y compris les primes et les éventuels avantages en nature.

 

La négociation sur les salaires effectifs ne doit pas porter sur les décisions individuelles en matière de rémunération, cependant, le pourcentage qui sera affecté à de telles mesures fait l’objet de négociations.

 

Eléments à fournir aux négociateurs :

 

L’information sur les salaires doit porter au moins sur la moyenne des salaires par catégorie.

 

Considérant le déploiement de l’accord sur les classifications, il conviendra notamment de fournir les informations relatives au :

 

- salaire moyen

- à la dispersion des rémunérations

 

Par ailleurs, la répartition des effectifs dans la grille de classification devra être fournie.

La durée effective et l’organisation du temps de travail

 

La durée effective

 

Il s’agit de négocier sur " le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur, et doit se conformer à ces directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles " (cf L 212-4 du Code du Travail).

 

Peuvent ainsi être évoqués les temps de pause, d’habillage,…

 

L’organisation du temps de travail

 

Toutes les formes d’aménagement du temps de travail sont ici visées :

 

- annualisation ou modulation

- cycles de travail

- période de référence pour l’acquisition des droits à congés

- …

 

 

Eléments à fournir aux négociateurs :

 

L’information transmise devra notamment traiter : 

 

- du nombre et de la répartition des heures supplémentaires

- du nombre et de la répartition des heures d’intempéries

- de l’application des calendriers collectifs (et de leurs éventuelles modifications).

 

 

L’égalité professionnelle hommes/femmes

 

L’article L 132-27 du Code du Travail fait obligation aux employeurs de négocier sur les objectifs en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, ainsi que sur les mesures permettant de les atteindre.

 

Pour ce faire, l’employeur doit rédiger un rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation. Ce rapport doit notamment comporter les indicateurs suivant (cf. article D 432-1 du Code du Travail).

 

Données chiffrées, par sexe :

 

Effectifs

     

  • répartition des effectifs par catégorie professionnelle
  •  

       

    • contrats de travail
    •  

       

    • pyramide des âges

Durée et organisation du travail

     

  • Répartition des effectifs selon l’organisation du travail
  •  

    (travail des dimanches et jours fériés,…)

       

    • Répartition des effectifs selon la durée du travail
    •  

    (temps complet, temps partiel)

Embauches et départs

     

  • Répartition des embauches (par type de contrat)
  •  

     

  • Répartition des départs par motif (retraite, démission, fin de contrat, licenciement)

Rémunération

     

  • Eventail des rémunérations
  •  

       

    • Rémunération mensuelle moyenne

Formation

     

  • Participation aux actions de formation
  •  

       

    • Nombre d’heures de formation

L’examen de l’évolution de l’emploi dan l’entreprise (ou l’établissement)

 

Il s’agit d’un examen.

 

Les discussions doivent notamment porter sur :

 

- les prévisions annuelles ou pluriannuelles d’emploi,

- le nombre de CDD, et leur traduction en ETP,

- les cas de recours à la sous-traitance (en volume, et par nature d’activité)

- …

 

A noter que le non respect de cette obligation d’examen de l’évolution de l’emploi, n’est pas sanctionné, et n’emporte pas entrave. Il est cependant vivement conseillé par l’Administration du travail de s’y conformer.

L’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (Cf. loi du 11/02/05)

 

La négociation doit notamment porter sur :

- les conditions d’accès à l’emploi
- les conditions d’accès à la formation et à la promotion professionnelle
- les conditions de travail et d’emploi
- les actions de sensibilisation au handicap de l’ensemble du personnel de l’entreprise

 

Les autres thèmes facultatifs

 

La formation, et la réduction du temps de travail, sont des thèmes qui peuvent être évoqués en NAO, mais sous forme de discussions simples.

 

Ces thèmes font en effet l’objet d’accords spécifiques.

 

 

D - L’organisation de la NAO

 

L’initiative de la NAO incombe à l’employeur.

 

La NAO est engagée par la convocation de chaque organisation syndicale représentative ayant désigné un délégué syndical dans l’entreprise (ou l’établissement).

 

La première réunion constitue une réunion préparatoire, au cours de laquelle sont précisés les éléments suivants :

 

- informations qui seront fournies par l’employeur sur les salaires effectifs, la durée et l’organisation du temps de travail,… (la date de remise de ces documents doit être arrêtée),

- le calendrier des réunions (ce point ne doit pas être négligé, il permet de fixer le terme des discussions).

 

La seconde réunion constitue le point de départ de la NAO. C’est à ce moment précis que s’engagent les discussions approfondies sur les propositions formulées par l’employeur, et sur les revendications syndicales.

 

E - L’issue de la NAO

 

L’issue de la NAO peut être de deux types : la signature d’un accord, ou l’échec de la négociation, et la prise d’une décision unilatérale par l’employeur.

 

Signature d’un accord

 

Si un accord est signé avec une ou plusieurs organisations syndicales, il est soumis aux diverses formalités de publicités, et ne deviendra applicable que s’il ne fait l’objet d’aucune opposition (dans le respect des formes légales) par une ou plusieurs organisations syndicales majoritaires (nota : la représentativité s’apprécie au niveau national pour une NAO nationale, mais au niveau de l’établissement pour une NAO au niveau de l’établissement).

 

Echec de la négociation

 

Si la NAO aboutit à un échec, un procès-verbal de désaccord doit être établi.

 

Le contrat de désaccord reprend en leur dernier état les propositions des parties, et précise les mesures que l’employeur décide d’appliquer unilatéralement. (A noter que les mesures ainsi décidées peuvent être moins favorables que les dernières propositions avancées par l’employeur dans le cadre de la NAO).

 

Le PV de désaccord étant un acte juridique, il fait l’objet des formalités de dépôt prévues à l’article L 132-10 du code du travail, et doit être adressé aux négociateurs.

 

 

F - Sanctions

 

Le refus par l’employeur d’engager la NAO est constitutif d’un délit d’entrave.

 

L’employeur qui refuserait d’engager la NAO s’expose donc à des sanctions pénales (3 500 € d’amende et/ou 1 an d’emprisonnement), mais aussi à des sanctions civiles.

 

En effet, les organisations syndicales peuvent, en cas de refus de l’employeur d’engager la NAO, porter une action en dommages et intérêts devant le tribunal d’instance ou de grande instance, et même saisir le TGI en référé pour obtenir du juge la contrainte de l’employeur à engager la NAO (sous peine d’astreinte).

Publié dans Droit du travail

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